16400 films
lundi 16 novembre 2020
12 novembre 2020
Si j’ai 16400 jours aujourd’hui que j’écris ces lignes, de ces 16400 jours je ne me souviens véritablement d’aucun précisément : qui se souvient d’un seul jour ? Peut-être hier, un peu avant-hier, un jour précisément la semaine passée, mais ensuite ? Impossible de tous les convoquer et pourtant un comédien mémorise 16.000 vers d’une pièce. J’écris cela à quarante-quatre ans et quelques. Quelqu’un dans sa quarantième année pourrait résumer toute sa vie à l’aide d’un vers pour chaque jour, plus de 14.000, le même nombre que dans La Divine Comédie de Dante, et s’en souvenir. Il y a 30557 mots anglais dans Hamlet, etc.
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Film et inconscient de lutte des classes. Quand un objet est héros de film d’animation où "jouent" aussi des humains (les robots de Wall-E (Andrew Stanton), les jouets de Toy Story (John Lasseter), et la fourchette dans le 4) est-ce que le spectateur s’identifie à ces objets usuels ? Devenant lui-même un objet, un produit, un jetable tandis que les humains du film sont élevés au rang de super-personnages, ils survolent l’histoire, n’en font pas partie mais l’englobe à la fois. Deviennent-ils symboles de dieux qui les/nous utilisent comme les capitalistes peuvent nous utiliser/jeter ? Ces dieux/capitalistes producteurs d’objets justement, les très-très-riches, les 1% qui peuvent s’assimiler par l’immensité folle de leur richesse à des dieux, qui manipulent les millions de tonnes de blé, les milliards de mètres de tissu, les milliards de paires de lacets, de semelles, de composants électroniques, tout ce qui nous tombe du ciel fabriqués par des mains, de la sueur. Nous sommes des êtres capables d’émotions également jetables et remplaçables. Ces objets-personnages pris d’éléments manufacturés de notre monde, jetables, sont doués d’émotions et vivent comme nous, comme nous dans les entrepôts puis le magasin, bref, le grand Marché, cette jungle commerciale qu’est notre monde. Les humains sont au-dessus, plus grands, parfois à moitié invisibles, inatteignables, comme les très-riches on ne les voit jamais mais on sait qu’ils sont là, sans eux rien, aucun objet, aucune nourriture pour le dire avec la manière qu’ils voudraient. Je sais qu’une lecture possible est aussi "les parents" et de faire un monde purement "enfants" que de filmer ainsi. Mais. Et attention, c’est différent des films où il y a seulement des objets (comme Cars de John Lasseter) qui présentent une égalité entre tout ce qu’il est convenu d’appeler ici des citoyens, ou au moins des individus libres ; ou seulement des animaux comme Zootopia (Byron Howard, Rich Moore) ; dans ces deux cas, pas de "dieux" et les sphères de pouvoir, les classes sociales, sont toutes là parmi les personnages et donc nous parmi eux. Dans la première catégorie de films que je citais, ce que je remarque, c’est l’opposition personnage-identifié contre (mais précisément jamais "contre") personnage-supérieur-inaccessible à l’identification. L’ouvrier qui voit le film avec ses enfants, et Jeff Bezos. Nous ne pouvons pas être riche, l’objet ne peut pas être humain ; il y a eux d’un côté et nous de l’autre, et la définition d’aucun affrontement. Dans Arrietty (Hiromasa Yonebayashi) il y a quelque chose de différent, les Chapardeurs sont comme en voie de disparition, malgré l’espoir final d’en rencontrer de nouveaux, ils restent un nombre infime face à la population humaine, précisément décrite comme un danger, tant pour eux que pour la Nature en générale. C’est un peu la même vision, mais critique, qui attaque frontalement le problème qu’il y a non pas seulement en terme de lutte des classes (il y a confrontation) mais aussi en terme de prolifération humaine, une vision plus généralement écologiste. Dans Angry Birds (Clay Kaytis et Fergal Reilly), la confrontation est bien claire mais d’une autre nature. La métaphore sur le colonialisme est bien claire, le personnage de Red est carrément rouge, et très en colère, il ne lui manque que de lever le poing. Cette transparence, et aborder le sujet aussi frontalement, c’est assez frappant. Red est bien seul à avoir les yeux ouverts au début quand les cochons amènent distraction, pollution, mensonges. La violence sur les corps est bien présente mais ne peut, vu le format, être présentée frontalement, elle arrive par le vol des œufs, comme une vision atténuée de l’appropriation de la force productive. Et la seule réponse possible des oiseaux, c’est le combat, d’aller détruire la cité des colons. A aucun moment une négociation n’est possible, et les cochons sont l’ennemi à abattre du début à la fin, uniformes, dominants, fourbes, sans morale.