CCDI
samedi 29 janvier 2022
11 janvier 2021
Je suis toujours étonné de voir que, bien que je maîtrise parfaitement la manipulation de l’argent dans sa dépense, je sois incapable de comprendre quoi que ce soit à son acquisition. Devant des chiffres, s’il s’agit d’argent, d’euros, je ne comprends rien. Les mêmes chiffres à propos d’autre chose, je ne sais pas, de masse moléculaire, ça peut aller. Ce blocage doit avoir un nom.
Les institutions nous demandent des plannings, mais qui sommes-nous ? Des devins ? Des prophètes ? De quoi demain sera-t-il fait, pourquoi un pauvre auteur prétendument numérique et édité par une maison indépendante devrait-il le savoir ? Pourquoi vouloir connaître le futur ?
Esope marche vers la plage. Il se fait arrêter par une patrouille.
— Où vas-tu ?
— Où je vais ? Je n’en sais rien !
— Tu n’en sais rien : marche en prison !
— Ne l’avais-je pas dit que je ne savais où j’allais ? Je voulais aller au bain, et voilà que je vais en prison.
Esope, c’est moi.
Le soir de Noël, un gendarme m’arrête. Vous avez bu ce soir ? Moi : non, pas depuis fin août. Il me lance un regard, et me donne un tube dans lequel souffler. Zéro. Je suis reparti libre.
Le système de bourse de création, résidence d’écrivain, etc., serait plus juste pour les auteurices, voire plus efficace en terme de restitution au public, avec des contrats de création à durée indéterminée au tarif résidence en vigueur, 2000 € par mois. Bien aménagé, cela permettrait de mieux ancrer les pratiques artistiques dans la vie collective. Alors qu’aujourd’hui il faut des semaines et prendre sur son temps de création pour trouver un "projet" et décrire ce qui sera fait ou ne sera pas fait, comment savoir ? Et pourquoi s’en tenir à un projet qui tient dans le temps de création demandé, comme c’est parfois le cas ? Et aussi, il y a trop peu de ces bourses, résidences, quelques élu.es chaque année. Alors qu’un Contrat de Création à Durée Indéterminée correspond mieux au travail que l’on fait : en permanente création, toujours en recherche, toujours avec des idées, faisant feu de tout bois. Et tout cela s’use au contact de l’administratif nécessaire à quémander des ressources sur des objectifs futurs complètement flou. Ça ne correspond pas à la création de se projeter dans un futur où un projet, prévu, sera réalisé. C’est en faisant que l’on trouve, il faut que la bourse soit préalable à l’œuvre. Pourtant, cela peut marcher, la commande de texte, le "mode projet", comme on dirait en entreprise, À travers champs, Lisières Limites ou Nos Îles numériques, tout cela est possible, adaptable, au cas par cas, mais dans un projet de CCDI aurait plus de sens, avec plus de budget à distribuer pour normaliser cette situation. Il n’y a pas de raison de trouver normal la situation des artistes, d’accepter de les faire vivre dans la même précarité qui est dénoncée dans le monde du travail quand on parle d’emplois précaires, intérimaires, freelance, uberisés. Car un artiste toujours dans l’angoisse et la recherche de crédit a du temps et de l’énergie en moins pour faire son travail, et c’est autant de part artistique, artisanale, de création, en moins dans la société, et c’est sans doute dramatique, cette disparition. Autrement ne resteraient que les artistes pour qui "ça marche", c’est-à-dire dont le public existe déjà, alors qu’un des rôles les plus essentiels de la création est de créer le public, de surprendre, d’être là où il n’y a pas d’attente. De l’autre côté, la société s’y retrouverait, par ces contrats, avec leur nombre, ce qui serait rendu au public en échange, librement, sans obligation, mais de fait par le nombre, inévitable, serait incommensurable. Enfin, je n’en sais rien, je dis ça. Et d’ailleurs, bien sûr, la question qui vient aussitôt est pourquoi réserver ce traitement de liberté de travail aux artistes ? Et évidement que tout le monde devrait profiter de ce système, je crois que ça s’appelle un revenu de base, ou un revenu universel, ça pourrait être ça tout simplement, et ça déplacerait le travail nécessairement productif en dehors du centre de la scène où il étouffe tout. Car, au fond : pourquoi le travail ?
illustration générée par VQGAN+CLIP avec la saisie "magical computer in the rainforest".