Coup
lundi 3 février 2025
2 février 2025
Guerre mondiale contre la culture, contre l’éducation, contre la santé, contre la démocratie, contre les pauvres. Les riches n’ont jamais autant dominé. Le capitalisme est à un stade inédit de réussite par destruction.
Comment s’organiser dès maintenant pour éviter que ça n’arrive dans notre pays ? Ou, plutôt, pour réagir et survivre quand ça va arriver ? Ou, encore, comment commencer à défaire ce qui a été déjà fait ? Y a-t-il encore quelque chose comme "son" pays, qu’il faudrait attendre de défendre, quand les attaques, où qu’elles soient, touchent l’humanité dans son ensemble ?
Elon Musk semble être à la tête d’un mouvement de coup d’état silencieux, en prenant le contrôle à distance des ordinateurs de l’administration américaine. La version de l’assaut du Capitole a dû sembler trop old school au centimilliardaire issu de la Silicon Valley, et il aura réfléchi pendant quatre ans à améliorer cette version, à amener dans le 21e siècle le "coup" et tout simplement organiser la prise de contrôle à distance des ordinateurs de l’administration fédérale, à des fins économiques, politiques, privées. Histoire d’être... dans le coup.
Le magazine Wired, le 30 janvier :
Ces derniers jours, des personnels de TTS (Technology Transformation Services), agence fédérale hébergée par l’Administration Générale des Service (GSA), ont été convoqués dans ce que certains appellent des réunions "attaque surprise" pour discuter de leur code informatique et de leurs projets avec de parfaits inconnus, plutôt jeunes, qui n’avaient pas d’adresse mail officielle du gouvernement et qui se sont montrés réticents à s’identifier. Les personnels de TTS ont aussi reçu des instructions de transition confuses et une visite impromptue du bureau de Washington D.C par Musk.[...]
TTS aide à développer des plateformes et des outils sur lesquels s’appuient beaucoup de services gouvernementaux, par exemple des outils d’analyses, des plugins, des API que les agences peuvent utiliser pour déployer leurs solutions plus rapidement. Cela signifie que ce groupe [de la Silicon Valley] a accès à des trésors de données gouvernementales et à des systèmes dans les agences fédérales.
Dans un autre article, on apprend que les tech-boys de la Silicon cherchent à obtenir les accès à distance aux systèmes informatiques, aux ordinateurs, sous prétexte de chercher à faire des économies, à améliorer les process. Mais ce ne sont pas des agents fédéraux ayant prêté serment. Ce sont des jeunes gars (littéralement) recrutés par des gens proches de la "Paypal mafia" qui ont appris toute leur vie à récupérer de la donnée pour gagner des millions, contrôler et manipuler, et ces accès permettent virtuellement de lire des emails à distance, d’assister à une visioconférence...
“Je pense que ces gens ne cherchent pas à développer les services proposés par le gouvernement fédéral pour aider le peuple américain”, a dit un employé de la GSA qui a refusé d’être cité par peur des représailles. “Ils agissent comme lors d’une prise de contrôle d’une société de la tech.”
Dans Paper Mario : La Porte Millénaire, les quelques Toad amicaux que l’on rencontre à Port-Lacanaïe conseillent à Mario de se méfier de tout le monde.
Le secrétaire du trésor a aussi filé les clés du système de paiement du Trésor américain au soi-disant "DOGE" de Musk (Department Of Government Efficiency, appelé ainsi pour porter le nom d’un mème gif chien). Si c’est pas de la security breach... L’avenir des États : aux mains des sociétés privées, ça fait tellement que les capitalistes en rêvent.
Si les technofascistes parviennent à leurs fins (la Cour Suprême est censée pouvoir les empêcher, via le FBI, non ?) n’oublions pas que toutes nos infrastructures informatiques, privées et publiques, sont gangrénées par Microsoft (au minimum). Des observateurs sur place rapportent aussi le zèle de certains fonctionnaires pour appliquer, sans directives concrètes réelles, les volontés trumpistes contre la diversité culturelle et de genre.
Dans le tome 1 de La Passe-Miroir, Christelle Dabos donne une description de la cour et de ses intrigues qui peut sembler cliché, au premier abord [1]. D’ailleurs, ça m’a donné envie de lire en parallèle les Mémoires de Saint-Simon. Mais l’aspect attendu des intrigues de cour me semble dépassé par le lieu où elles se déroulent. Le Clair de lune est un lieu d’illusions, la famille des Mirages et son architecte la vieille Hildegarde, vivent dans un palais aux parcs merveilleux, il fait beau tout le temps, les perspectives courent jusqu’à des horizons maritimes, les pierres, tapisseries, mobiliers, sont parfait et richement décorés ; mais en réalité, tout cela ne fait que recouvrir un gigantesque taudis, des murs moisis, des poutres poussiéreuses et rongées, etc. Par ailleurs, le tout est situé dans une "arche" suspendue dans les airs, par des températures négatives de plusieurs dizaines de degrés. Aux yeux des visiteurs, pourtant, cette réalité est invisible, à part dans les chambres de "la valetaille". L’illusion est efficace pour qui ne le sait pas, et elle est ignorée par celleux qui savent, dans un déni collectif. On se joue aussi de l’espace dans ces lieux, puisqu’une pièce peut être créée ou effacée à volonté, ou devenir isolée et impénétrable. Toutes ces illusions et ces jeux d’espace font penser aux illusions qui nous abreuvent quotidiennement sur les écrans, la notion de distance semble déformée, tout est trompeur. L’héroïne, Ophélie, enfile même pendant quelques chapitres un costume qui la recouvre entièrement et modifie son apparence totalement, jusqu’au visage, elle devient un petit homme moustachu sans lunettes, et se fait passer pour un valet ; comme un avatar. Enfin, dans cette Cour, un mariage scelle une alliance non de territoire ou de richesse, mais de pouvoir "magique" (le mot n’est jamais cité, c’est pour simplifier l’explication). Si les Mirages peuvent transformer en faux semblants des lieux entiers, Ophélie peut lire des objets, remonter leur histoire à travers toutes les personnes les ayant touché [2]. Sa tante répare d’un geste du doigt tous les types de papier. Une autre famille partage un sens en commun, et ce que voit un de ses membres, toustes les autres en sont témoins. Un autre encore a une mémoire sans faille, totale et infinie, etc. Et lors du mariage, la cérémonie du Don concède à chacun des mariés un peu du don de l’autre. On partage non des richesses, mais des fonctions applicatives, en somme.
Bref, je voudrais le journal de l’intérieur du Coup en cours à la cour de DC.
Saint-Simon, Mémoires, 1.II, 1692 :
Une après-dînée de fort bonne heure que je passais dans la galerie haute, je vis sortir M. le duc de Chartres d’une porte de derrière de son appartement, l’air fort empêtré, triste, suivi d’un seul exempt des gardes de Monsieur ; et, comme je me trouvais là, je lui demandai où il allait ainsi si vite et à cette heure-là. Il me répondit d’un air brusque et chagrin qu’il allait chez le roi qui l’avait envoyé quérir. Je ne jugeai pas à propos de l’accompagner, et, me tournant à mon gouverneur, je lui dis que je conjecturais quelque chose du mariage, et qu’il allait éclater. Il m’en avait depuis quelques jours transpiré quelque chose, et comme je jugeai bien que les scènes seraient fortes, la curiosité me rendit fort attentif et assidu.
[1] Beaucoup de fanart sont d’ailleurs ultra convenus
[2] Elle peut aussi voyager de miroir en miroir, comme l’indique le titre de la série.
Messages
1. Coup, 3 février, 11:54, par brigitte celerier
et Musc est le plus visible...
poour le côté le plus évident, me hante la fragilité de l’"opinion publique"
et pas certaine même en ayant conscience de notre minuscule pouvoir que le mieux soit de déserter (au moins les groupes, partis, syndicats etc ?) internet et Facebook (impressionnant de voir les pages RN et on comprend que ça accroche)
1. Coup, 4 février, 17:47, par JS
Tout est difficile... Il faudrait que les autres sources d’expression soient vues autant que les réseaux privés ?