Crimes et cartes
mercredi 2 septembre 2020
31 août 2020
J’ai commencé à lire 1974 de David Peace dans un petit village des Vosges sans éclairage nocturne. Puis en rentrant à Noisy dans la pollution lumineuse du 93 j’ai essayé de reprendre ma lecture, mais c’était difficile car j’associais la disparition et l’assassinat du livre au lieu où je l’avais lu (qui pourrait d’ailleurs se prêter facilement à un crime) et je me disais qu’ici, en ville, je ne pouvais plus rien faire pour cette fillette, pour cette enquête, que tout cela ne servait à rien (de le lire, je veux dire) et j’ai eu peur qu’il y ait, par ma faute, par l’endroit où je lis, d’autres victimes. Pourtant le village des Vosges n’a rien à voir avec la banlieue de Leeds où se déroule l’action de 1974, mais j’associe ce Yorkshire là à celui que je connais qui est, lui, composé de petits villages dans la lande. Les décors se mélangent, maisons plates en brique d’un quartier ouvrier et landes désertes battues par un vent glacial. James Ellroy et Emily Brontë. Bref, j’ai continué à lire, la carte de Leeds à côté de moi, superposée à celle de l’Île-de-France-Est. Quand je lis un polar, le crime est soudain partout.
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Une courbe est une courbe est une courbe, écrit Guillaume. Comme pour lui répondre, il y a une émission sur les migraines, chez Nicolas Martin, qu’il me faudra écouter aussi.
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Quentin Leclerc dans ses Relevés :
Les romans, ce n’est pas la logique, c’est une logique. Il n’y a pas de général en littérature ; il y a du particulier érigé en généralité. En tant que lecteur, on doit accepter ces logiques pour reconstruire généralement le monde tel qu’écrit. Si on veut mettre notre logique dans la logique dont on est témoin, c’est qu’on n’a rien compris. Développer sur l’idée de confiance dans le roman. [...] Désormais, plus besoin d’écrire de nouveaux livres après avoir écrit le premier. Grâce à leur durée de vie minuscule, vous pourrez le rééditer tous les cinq ans jusqu’à ce qu’il connaisse enfin le succès (jamais).
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En ce moment, je prends beaucoup de notes sur beaucoup de sujets et ne sais pas encore quelle matière de quels livres je peux espérer obtenir avec ça, pour écrire après. Je me demande souvent pourquoi mes livres ne se diffusent pas plus. Pourquoi Village n’a pas été plus lu dans des villages, pourquoi L’Homme heureux ne circule pas plus que ça sur les réseaux, et je trouve chaque jour une raison différente, une bonne raison, un jour c’est la ponctuation, je me dis que je ne sais pas placer les virgules, les respirations, les "et", les "puis", les "car", les "mais" doivent être à des emplacements qui me sont naturels mais qui ne respectent pas une règle obscure qui m’est inconnue parce que je n’ai pas fait d’études de Lettres ; même chose pour l’intertextualité, je me dis que tout ce que j’ai mis j’aurais dû ajouter des notes de bas de page, ou ne pas en mettre, que je suis complètement à la ramasse et que depuis la fin du 19é siècle ça ne se fait plus d’écrire avec d’autres livres en tête sans le dire ; j’ai l’impression d’avoir proposé un livre "agréable", "facile à lire", pour Village malgré l’absence d’intrigue et ses paysages posés les uns à côté des autres sans volonté de faire roman, donc d’avoir cherché quelque chose tout en le sabotant ; j’ai l’impression d’avoir au contraire cherché le roman "difficile", voire "illisible", avec HH, tout en y glissant cependant une intrigue, ou un suspens, peut-être même une sorte d’élucidation, mais frustrante, bref là aussi d’avoir cherché quelque chose tout en le sabotant ; et que tout ça fait s’effondrer mes châteaux de cartes de texte.