D’autres mondes

26 janvier 2025

Sur le marché, des mini barnums 2x2, aux couleurs de la police, ou à celles d’un des nombreux opposants de droite à la mairie de droite ; j’évite.

Chaque jour apporte en ce moment son lot de nazis. Il y en a partout, jusque dans ma tête. Trop. Selon la méthode d’occupation de l’espace (public) via les RS, éprouvée par Trump lors de son premier mandat, il faut chaque jour provoquer d’un mot, d’un geste, d’une annonce, d’une signature, provoquer les adversaires politiques, satisfaire son clan, c’est-à-dire meurtrir les pauvres et enrichir les riches, même quand les premiers se croient être les derniers (si je puis le formuler ainsi). Chaque jour, pendant quatre ans. C’est aux États-Unis et nous sommes touchés, et cela couvre aussi ce qui se passe ici, contribuant à faire monter chez nous plus facilement la même marée brune qui s’est établie là-bas. Que se passe-t-il au procès Sarkozy ? Que raconte le film de Médiapart ? Est-ce que Retailleau va être démissionné ou va-t-il s’étouffer dans sa propre haine ? Où y a-t-il des grèves importantes en ce moment ? Si le monde semble uni sur le plan d’un rythme médiatique, un pouls bat la mesure à travers justement les RS dont il est question ces jours-ci, risque-t-il de voir se dérouler une bataille pour lui trouver un maître ? N’est-ce pas la logique que vont finir par suivre Poutine, Trump, les théocrates islamistes, puis, finalement, n’importe quel multimilliardaire ? Le premier billionnaire (en Français, qui aurait 1000 milliards de $, mais c’est perturbant puisque le terme anglais pour milliardaire est billionnaire, et le terme suivant, pour eux, trillionnaire, bref) n’aura-t-il pas l’idée (et les moyens) de se rendre littéralement maître du monde ?

Encore le même Musk cette fois, sur écran géant à un meeting de l’AfD, le parti nazi allemand, comme quoi, il parlait comme un nazi, il bougeait comme un nazi, il soutenait des nazis, il était donc bel et bien nazi. Une photo dystopique le montre donc sur l’écran géant face à une foule agitant des drapeaux, on croirait la scène de 1984. Sur une des photos que l’on voit diffusée, il y a un drapeau à contre-jour de l’écran, un drapeau noir et rectangulaire, qui vient se caler tout juste et bien centré entre son nez et sa bouche, comme une petite moustache. Ce n’est pas une image d’IA, c’est une image qui montre le monde qui existe. C’est l’époque qu’on vit. Comment l’arrêter ?

Je commence à lire La Révolution culturelle nazie, de Johann Chapoutot, ça commence sur l’histoire du glaçon de Primo Levi, c’est dur.

Dire qu’il y a d’autres mondes comme le nôtre...

Tant de germes, pareils à ceux dont la Nature
Au hasard, à tâtons, combina la structure,
Dont les chocs spontanés ont fondé l’univers,
La terre et les vivants et les cieux et les mers,
N’auraient en aucun lieu condensé leur poussière !
Non, non. Il est ailleurs des amas de matière,
Des mondes habités, frères de ce séjour
Dont notre éther embrasse et maintient le contour.

— De la nature des choses, Lucrèce (trad. André Lefèvre, 1899)

Et justement, poussé par la soif, j’avise un beau glaçon sur l’appui extérieur d’une fenêtre. J’ouvre, et je n’ai pas plus tôt détaché le glaçon qu’un grand et gros gaillard qui faisait les cent pas dehors vient à moi et me l’arrache brutalement. “Warum ?” dis-je dans mon allemand hésitant. “Hier ist kein warum” (ici il n’y a pas de pourquoi), me répond-t-il en me repoussant rudement à l’intérieur.

— Si c’est un homme, Primo Levi (trad. Martine Schruoffeneger)