Du mensonge à la violence

27 février 2023

Un an après, je suis un peu largué, sur la guerre, 9 ans après également, toujours en mars, le mensonge, la vérité, l’inflation (oui, cet impôt privatisé, libre de toute législation, qui ne touche que les pauvres et les classes moyennes), l’état du monde en général. Ce qu’il se passe, c’est que j’essaie de vivre dans les textes. J’ai milité il y a longtemps, ensuite j’ai eu peur des foules, je donne un peu d’argent quand je peux.

*

En lisant Du mensonge à la violence (Arendt, trad. Guy Durand), au sujet du coût irrécupérable, engagé dans la guerre du Vietnam, par les États-Unis, sans véritable objectif militaire, et une fois sur place, partir n’était plus possible, c’était simplement ça. Et dans une guerre où la force de frappe était estimée à "1000 contre 1", il était "difficile d’accepter d’un cœur léger que tant d’efforts et de dépenses ruineuses n’aient servi qu’à démontrer l’impuissance de la force des grands."

De toute politique comme enlisement, de toujours faire un pas de plus qui permettra d’accomplir ce que le précédent n’a pas pu faire contrairement aux prévisions, et faire ce pas de plus, ce pas promis, et continuer ainsi d’avancer toujours avec le même argument qu’il s’agit de la bonne direction, et dans le même enlisement. Parce qu’il semble possible que même les "trompeurs", les gens de la communication, ces "spécialistes de la solution des problèmes" [1] parviennent "à s’illusionner eux-mêmes", et alors "comme ils avaient choisi de vivre à l’écart des réalités, il ne leur paraissait pas plus difficile de ne pas prêter attention au fait que leur public refusait de se laisser convaincre que de négliger les autres faits."

[...] les spécialistes de la solution des problèmes ont quelque chose en commun avec les menteurs purs et simples : ils s’efforcent de se débarrasser des faits et sont persuadés que la chose est possible du fait qu’il s’agit de réalités contingentes. En vérité,on ne peut jamais y parvenir, que ce soit au moyen de la théorie ou par la manipulation de l’opinion publique- comme si, pour annuler une réalité, il suffisait qu’un nombre assez élevé de personnes soit persuadé de son inexistence. On ne peut y parvenir que par un acte de destruction radicale. [...] Il ne suffit pas d’assassiner Trotsky et de supprimer son nom de toutes les sources historiques pour effacer le souvenir du rôle qu’il a joué dans l’histoire de la révolution russe ; il aurait fallu pouvoir supprimer tous ceux qui furent ses contemporains et pouvoir dominer le monde entier.

Ainsi, les spécialistes prouveront que, "dans un système d’économie socialiste, il n’existe pas de chômage en refusant de reconnaître son existence ; dès lors, un chômeur n’est plus qu’une entité non existante."

Ce qui est inquiétant, à lire ce texte c’est le lien entre la "négation délibérée de la réalité — la capacité de mentir —, et la possibilité de modifier les faits — celle d’agir" : "elles procèdent l’une et l’autre de la même source : l’imagination." Des paroles aux actes, c’est très rapide, facile, c’est le principe même de la politique, les actes peuvent donc servir à établir les faits prédits, la fiction politique peut engendrer le coup de matraque, l’emprisonnement, le bombardement, pour avoir raison.

*

Une sculpture monumentale en aluminium, qui joue d’ombre et lumière et crée un effet d’irréalité. L’Arc, d’Urs Fischer, "dans son discours, Roxanne Varza, directrice de la Station F, a déclaré que cette sculpture « rappelle que les créateurs sont des entrepreneurs et que les entrepreneurs sont des créateurs ». " C’est ce qu’on raconte dans un "campus de start-up" fondé par Xavier Niel, un endroit où l’on sait se vendre, se mettre en valeur, sans aucun doute, absolument aucun, sur la valeur de son "travail", un endroit sans honte ni complexe, où l’argent coule, le genre d’endroit où "l’on y croit".