En avançant, le vide
samedi 12 octobre 2024
29 août 2024
Je préviens mon agente que j’ai avancé plus vite que je ne l’espérais. J’emploie l’expression "mon agente", sans que la grammaire possessive ne représente aucune réalité, mais il y a ce côté rassurant comme de dire "mon éditeur", en ces moments où je ne peux plus le dire. Alors, voilà, je lui dit que je viens de repasser sur tout le texte, en corrigeant des points historiques un peu bancals, des descriptions mal agencées. Ceci en plus d’huiler les passages au je-ici-maintenant, qui deviennent finalement des véritables pauses-arrêts : déchirer temporairement le voile de la fiction. Pas tant huiler que ça, ou alors pour poser des charnières dont les portes portent (pourquoi pas) un message clair et inratable. Je trouve que je réussis à mieux justifier, dans le texte, par le texte, le fait que je force le décrochage au début, et moins vers la fin. C’était ça qui coinçait, dans la version précédente, la place du narrateur. C’est-à-dire qu’au début, je dis plutôt, maintenant : "Attention, on écrit de l’Histoire, quel est le rôle de la fiction". Comme sortir la tête de l’eau, il faut, au départ, bien réveiller le lecteur, et dire clairement une ou deux choses, puis vers la fin, je reviens plutôt à enchaîner les réflexions historiques en les liants à l’action avec moins de décrochages. Je n’ai pas réussi à faire autrement, comme si c’était exigé par le texte. Je vais tout imprimer pour le relire sur un support différent maintenant.
J’ai aussi ajouté en épigraphe :
L’existence, c’est la capacité de prendre une décision libre qui, située dans le temps, traverse le temps jusqu’à l’éternité.
— Jeanne Hersch, L’étonnement philosophique (à propos de Karl Jaspers)
Je marche dans une direction, la fin du livre, mais après, il n’y a plus rien. Pas de "livre". Enfin, doit sortir à l’automne 99 disparitions, 51 apparitions, déjà écrit. Mais je n’ai pas de livre en cours, et c’est terrible. J’ai un peu peur qu’il ne faille attendre la publication effective pour passer à autre chose. Pour l’instant, le vide à l’horizon, et l’approche inévitable.