Finition
mardi 11 mars 2025
10 mars 2025
Aucune conclusion de paix ne doit valoir comme telle, si une réserve secrète donne matière à une guerre future.
— Kant [1]
Je termine la nouvelle version de RRK, jeudi 6. Plus de "je", plus d’ici-et-maintenant, ajout de l’enfance et adolescence de Robert Keller, renforcement des personnages secondaires, équilibrages finaux, suppression de ce qui est trop loin de la Source K.
Mais le lendemain, j’ai un doute. Je recommence, je réinterroge rapidement chaque scène, comme je l’ai fait les semaines précédentes, et je réintègre les passages effacés (Marie Couette, Lloubes et Reboul) car j’ai trouvé comment faire sans que ça sonne comme un rajout, comme trop secondaire. Je rebaptise de nouvelles grandes parties. Tout était presque là, jeudi, en fait, et tout le week-end je continue et j’écris une postface, qui permet à la fois de remercier et de poser quelques pensées qui ne sont plus dans le roman.
Je semble avoir renié ce rejet du "tout fiction" (outils de fictions), mais le texte est plus fort, mieux réparti comme les charges dans un mécanisme, et j’accorde la confiance qu’iels méritent aux lecteurices, c’est mieux comme ça. C’est-à-dire que je n’étais pas allé au bout d’une démarche, et il m’a fallu presque deux mois (au fond, un an plus deux mois) pour en revenir.
Même si les hostilités n’éclatent pas, elles constituent un danger permanent. L’état de paix doit donc être institué.
Les finitions, c’est aussi dans l’intrusion technofasciste américaine, il faut regarder ça et se demander, ici en Europe, quoi et comment les données, les accès aux informations, seraient touchées par une organisation comme celle de Musk qui, sur simple ordre du président, sans décision du Congrès, a pu aboutir à "la plus grande appropriation de données publiques par un particulier dans l’histoire d’un État moderne" [2]. L’impression qu’on est ici très très arriéré, le procès Sarkozy-Kadhafi montre des pratiques archaïques, des défenses vraiment nulles. Cependant, la corruption, massive, éhontée, est bien là, pas besoin d’être crypto, des mallettes d’argent liquide suffisent, plus importante que jamais, et le risque augmente, d’un scénario du pire... Ailleurs le RN a ses petits dossiers, 7 millions de détournement, mais un allié au Conseil Constitutionnel pour peut-être rester éligible — collusion, et reprise de la rhétorique [3]... On n’a pas l’impression qu’un géant de la tech français, ou des médias européens, pourrait infiltrer, après une élection victorieuse et douteuse sur le plan de la présence médiatique et numérique, la Commission de Bruxelles, le Parlement et ses bureaux, les Ministères, toute l’informatique de fonction publique, pour en tirer profit. On n’avait pas l’impression que ce serait à ce niveau, outre-atlantique.
Et alors, nous, on a quoi comme techno-résistance ? A-t-on un Robert Keller des câbles de fibre optique qui fait partie d’une organisation secrète sur le dark web ?
Kant, lui, serait déçu du tour pris par les choses alors que nous connaissons chaque jour un peu mieux "la grande artiste, la nature (natura daedal rerum)", qui donne, pour lui "la garantie de la paix perpétuelle", car :
Ce qui donne cette assurance (cette garantie) n’est rien moins que le cours mécanique que la grande artiste, la nature (natura daedal rerum), dont le cours mécanique laisse manifestement briller une finalité qui fait s’élever, au travers de la discorde des hommes et même contre leur volonté, la concorde.
C’est beau.
Et j’envoie la version 2025 du texte.
[1] Vers la paix perpétuelle, (trad. J-F Poirier, F. Proust)
[2] Article de Techpolicy press cité par Dans les Algorithmes.
[3] Le président du Conseil constitutionnel, lui, assume de dénoncer la menace d’un prétendu « gouvernement des juges », faisant ainsi la part belle à la rhétorique développée par l’extrême droite face à ses déboires judiciaires. « J’ai toujours veillé à préciser que le Conseil, ainsi qu’il le rappelle systématiquement, “ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement” », précise-t-il cependant.