Intemporel sophisme
mercredi 27 novembre 2024
26 novembre 2024
Le fait de comprendre un texte de 2300, 2400 ans peut sembler merveilleux. À travers la traduction, ou le texte original que des traducteurices lisent encore, nous comprenons non seulement cette ancienne parole, mais les situations, les sentiments, les réflexions : nous vivons encore dans le même monde. Pourtant, lire et comprendre Platon, et donc croiser les mêmes Sophistes que Socrate démontait patiemment, n’est pas bon signe. Je préférerais que nous ayons évolué tellement que la langue et les idées d’il y a mille ou deux mille ans nous soient illisibles, incompréhensibles : j’aurais alors un peu d’espoir pour l’humanité.
Les peintures de Lascaux nous sont quasiment inaccessibles, pas entièrement mais elles nous sont infiniment éloignées. Par le regard sur une œuvre d’art, et l’interprétation qui se fonde sur de nombreux travaux de recherche, difficiles et nombreux, précis, scientifiques, par tout ce travail nous en disons quelque chose, nous reconstituons un sens : parce qu’il y a l’archéologie, les fossiles, les analyses chimiques, ADN, minérales, etc. Il est possible de nous approcher, ou croire nous approcher. Cela est humain, cela nous est commun, mais également si éloigné que nous ne comprenons pas tout, et constatons ainsi l’ampleur de l’évolution, du changement, depuis. Mais un texte traduit du Grec ou du Latin, qui décrit une situation que je peux rencontrer ici chaque jour, avec les mêmes mots, c’est proche, c’est notre monde, c’est aujourd’hui. Nous n’avons, en tant que société, presque rien appris en 2500 ans. Les sophistes pérorent toujours, cherchent et détiennent toujours le pouvoir, ne veulent rien entendre et les sages n’ont plus qu’à finir en prison et boire la ciguë pour respecter un tant soit peu le droit que les autres adaptent à leur idée en transgressant toute morale supérieure.
Extrait de Gorgias, Platon [1] :
Polos (à Socrate) — Alors toi, tu préfères subir l’injustice plutôt que de la commettre ?
Socrate — Je ne souhaite ni l’un ni l’autre. Mais si je me trouvais placé dans cette alternative, je choisirais de la subir plutôt que de la commettre.
En lisant ce texte, j’imagine Socrate joué par Peter Falk, et Gorgias joué par un des guest star de la sérié télé.
[1] Traduction de François Millepierres, Hatier.