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Le chat qui pelote

samedi 7 septembre 2024

22 juillet 2024

Je n’avais jamais "accroché" à Balzac, au lycée, ou ensuite, quelque dix ans plus tard. Je ne sais plus pourquoi, peut-être parce que, si j’aime les descriptions par-dessus tout, le début des romans que j’avais essayé était exactement ça mais pas si bien écrit que ça, c’est-à-dire que la description était encore trop ancrée dans la narration ou le personnage (c’était ma période Nouveau roman) et aussi très longue à placer le décor. Cet été, tout change pour moi, un œil neuf, l’âge sans doute, et j’adore.

Extrait de La Maison du chat qui pelote, avec cette scène d’introduction qui fait penser à un film, pour tout dire, et qui nous place là, dans le décor, dans les yeux de ce personnage.

Par une matinée pluvieuse, au mois de mars, un jeune homme, soigneusement enveloppé dans son manteau, se tenait sous l’auvent de la boutique qui se trouvait en face de ce vieux logis, et paraissait l’examiner avec un enthousiasme d’archéologue.

Mais le tout début est aussi parfait, l’incipit :

Au milieu de la rue Saint-Denis, presque au coin de la rue du Petit-Lion, existait naguère une de ces maisons précieuses qui donnent aux historiens la facilité de reconstruire par analogie l’ancien Paris.

Ce sont des outils de narration très communs, sans doute désormais très communs, en tout cas, on les voit partout, disons dans Harry Potter, on place le décor, on y place le lecteur pour qu’il regarde, petit à petit, quelqu’un regarde une maison, puis le perron, puis on rentre dans une maison, etc. Mais très efficaces, surtout quand c’est bien utilisé comme ici, limpides, pas de gras. On en vient à suivre du regard, comme le jeune homme, et à s’intéresser à ce qu’il regarde, ce qui l’intéresse, lui.

À la vérité, ce débris de la bourgeoisie du seizième siècle pouvait offrir à l’observateur plus d’un problème à résoudre. Chaque étage avait sa singularité. Au premier, quatre fenêtres longues, étroites, rapprochées l’une de l’autre, avaient des carreaux de bois dans leur partie inférieure, afin de produire ce jour douteux, à la faveur duquel un habile marchand prête aux étoffes la couleur souhaitée par ses chalands. Le jeune homme semblait plein de dédain pour cette partie essentielle de la maison, ses yeux ne s’y étaient pas encore arrêtés. Les fenêtres du second étage, dont les jalousies relevées laissaient voir, au travers de grands carreaux en verre de Bohême, de petits rideaux de mousseline rousse, ne l’intéressaient pas davantage. Son attention se portait particulièrement au troisième, sur d’humbles croisées dont le bois travaillé grossièrement aurait mérité d’être placé au Conservatoire des arts et métiers pour y indiquer les premiers efforts de la menuiserie française.

Comme si je ne voulais plus de cette aridité descriptive, un personnage me convient bien, je vais le suivre, et les autres, et m’intéresser à ce monde-là, sans doute, aussi, parce que le décor a été placé, car il reste important de décrire avant de raconter, toujours. Ensuite, pris dans l’intrigue et les personnages.

On peut lire ce livre facilement sur WikiSource.

Et aussi, ayant ces images en tête, un jour en sortant du métro, j’ai aidé un monsieur âgé à traverser la route, qui cherchait son chemin. Nous allions au même endroit. La discussion faisant aussi chemin, de Robert Keller à La Comédie humaine, des déambulations de L’aiR Nu qui passeront par la Maison Balzac, j’ai découvert que je parlais à l’ancien trésorier de la Société des Amis de Balzac, Lucien Fromentin ! N’est-ce pas incroyable ? En ces quelques instants dans la salle d’attente, il m’a raconté tant et tant d’histoires et de voyages, de Saché à Kyïv, d’ailleurs, pas tant des livres. Parce que les livres avaient provoqué cette cénesthésie autour d’eux, qui a mené à ces voyages, instants de vie.

*

Et ces jours-ci, je reprends RRK, je vois Sophie Meyer (rappel, mon agente !), en septembre, et il faut une nouvelle version d’ici là, suivant ce qu’on s’est dit. Il y a un petit quelque chose qui doit être huilé ou resserré dans le mécanisme.

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