Le temps des faux
lundi 21 avril 2025
20 avril 2025
Sur une photo prise verticalement au-dessus des vagues et de l’écume, je me dis, c’est faux. Quelque chose ne va pas. L’écume est curieusement plate, il me semble, alors que montre une houle importante. La photo est cependant peut-être vraie. Je n’en sais rien, mais les IA provoque ce doute, sur toute image. Cette possibilité de doute, cette possibilité absolue, sur tout, finit par abîmer toute vérité possible. Il y avait les preuves, les expériences reproductibles, les témoignages, et même les films et photographient qui permettaient de dire : cela est, quelque part, qui permettaient de démontrer. Aujourd’hui, il y a la simple possibilité de fabrication machinique totale qui force à pouvoir penser : cela n’est peut-être pas. Ceci malgré la persistance des preuves, des expériences reproductibles, des témoignages, comme les consensus scientifiques [1].
Antigone retourne ensevelir de terre le corps de son frère Polynice, malgré l’interdiction de Créon, roi de la Thèbes. Un gardien rapporte ceci, après l’avoir échapper une première fois, quand Créon lui demande comment il est sûr d’avoir arrêté Antigone [2].
La chose s’est passée ainsi. Dès que nous fûmes retournés, pleins de terreur à cause de tes menaces terribles, ayant enlevé tonte la poussière qui couvrait le corps et l’ayant mis à nu tout putréfié, nous nous assîmes au sommet des collines, contre le vent, pour fuir l’odeur et afin qu’elle ne nous atteignît pas, et nous nous excitions l’un l’autre par des injures, dès qu’un d’entre nous négligeait de veiller. La chose fut ainsi jusqu’à l’heure où l’orbe de Helios s’arrêta au milieu de l’aither et que son ardeur brûla. Alors un brusque tourbillon, soulevant une tempête sur la terre et obscurcissant l’air, emplit la plaine et dépouilla tous les arbres de leur feuillage, et le grand aither fut enveloppé d’une épaisse poussière. Et, les yeux fermés, nous subissions cette tempête envoyée par les dieux. Enfin, après un long temps, quand l’orage eut été apaisé, nous aperçûmes cette jeune fille qui se lamentait d’une voix aiguë, telle que l’oiseau désolé qui trouve le nid vide de ses petits. De même celle-ci, dès qu’elle vit le cadavre nu, hurla des lamentations et des imprécations terribles contre ceux qui avaient fait cela. Aussitôt elle apporte de la poussière sèche, et, à l’aide d’un vase d’airain forgé au marteau, elle honore le mort d’une triple libation. L’ayant vue, nous nous sommes élancés et nous l’avons saisie brusquement sans qu’elle en fût effrayée. Et nous l’avons interrogée sur l’action déjà commise et sur la plus récente, et elle n’a rien nié. Et ceci m’a plu et m’a attristé en même temps. Car, s’il est très doux d’échapper au malheur, il est triste d’y mener ses amis. Mais tout est d’un moindre prix que mon propre salut.
Et nous, partout sur Terre, avons-nous encore le temps, et le droit, d’enterrer nos morts ?