Mort à l’élection
mardi 22 juin 2021
22 juin 2021
Le vote électronique, la solution technologique comme remède à l’abstention ? Comme si l’abstention était responsable de la crise politique. L’abstention est le signe de la crise politique. Le solutionnisme technologique ne fera qu’éloigner encore plus les citoyens. Il y a une crise politique : de confiance, de défiance. Les institutions éloignent les citoyens du vote parce qu’elles les éloignent de la politique, du débat. Le mot vote ne devrait pas être utilisé d’ailleurs, dans ce cas. Ce qui se passe c’est une défiance vis à vis de l’élection, des institutions, de la représentation telle qu’elle est en place en Ve République, soyons précis : il serait possible de faire fonctionner une démocratie sans élection de représentants, mandats d’élus politiques issus de partis historiques ; sans ce qui finalement ne fonctionne plus. Chaque jour des décisions démocratiques sont prises sans pour autant être le résultat de décisions des membres d’un bureau politique élu pour un mandat, mais au sein de groupes réduits (amis, clubs, associations, entreprise, y compris partis ! (c’est le plus ironique, parfois dans les rouages internes)...) et parfois avec l’usage du vote, mais d’un vote local qui arrive au terme d’un processus simple et connu : la discussion. Il existe un exemple récent, paradoxalement mis en place par un ministère de l’actuel président. La Convention Citoyenne pour le Climat a mis des outils de discussion et de réflexion à disposition de citoyens tirés au sort (critères d’âge, de sexe, de territoire, de CSP) suffisamment nombreux (150) pour être représentatifs de la population dans son ensemble, et complètement au hasard en choisissant donc des non-spécialistes du sujet du climat, et également du sujet politique. Des citoyens lambdas, de base ; en tout cas ceux qui, une fois tirés au sort, ont accepté — et sans doute faudrait-il un outil de contrôle du tirage au sort, simple et transparent, mais imaginons cet unique blocage résolu. Les outils mis en place par la Convention ont servi la compréhension des enjeux, des solutions possibles, et la réflexion de ces citoyens a été complètement libre. Ces outils ont permis les délibérations étape par étape, sous-groupe par sous-groupe, sujet par sujet. Ce qui n’a pas empêché des votes, comme il y en a lors d’une assemblée générale [1]. La clé, ce fut la discussion et les moyens de cette discussion. Des moyens logistiques, des outils d’expression, de compte-rendu, faire de ces citoyens lambda des citoyens éclairés, suffisamment pour prendre des décisions qui leurs paraissaient justes en leur âme et conscience. Parfois même, ceux-là ont insisté pour en être complètement libres, remarquant qu’il était possible, au cours des séances dites de formation, d’être incités à penser plutôt telle ou telle solution, selon l’intervenant qui la présentait. Ce qui signifie que les outils faisaient eux-mêmes partie du processus démocratique et pouvaient être discutés, améliorés, et de cela ils s’en sont saisi. Ce qui a finalement manqué à la Convention, c’est qu’il s’agissait d’un test démocratique sous l’emprise du Ministère de la Transition Ecologique qui n’a eu de cesse, depuis, à voir les résultats, d’enterrer les solutions proposées, incompatibles avec la politique économique et sociale du gouvernement. D’ailleurs même un référendum proposé à l’issue d’une telle convention aurait été biaisé (à nouveau par toute la politique habituelle, installée et médiatique) car on pourrait aussi bien laisser plein pouvoirs par avance à de telles conventions, si d’aventure elles venaient remplacer l’immuable vote pour des partis que l’on a actuellement et qui semble précisément éloigner les gens de la politique.
Un documentaire a été réalisé, par Naruna Kaplan de Macedo, qui montre les rouages mis en œuvre, la vitalité possible de la politique quand elle peut s’épanouir dans la discussion, par la langue, quand la parole est rendue à la population, les réactions des participants, de leur étonnement à leur prise de confiance, jusqu’à leur reformation en association ("Les 150"), après coup, voyant que tout ce travail (1 an avec la pandémie au milieu) avait été fait pour rien puisque refusé par le gouvernement anti-écologiste et anti-social qui est encore à ce jour au pouvoir.