Pas des bourgeois
jeudi 30 janvier 2025
29 janvier 2025
J’observe des députés ou membres de listes municipales, célébrer le drapeau du Hamas, ou en parler comme d’un mouvement de résistance. Ces hommes et ces femmes, j’aimerais les voir vivre (en fait, non, je ne leur souhaite pas ça) sous l’autorité de ce groupe religieux, autoritaire, réactionnaire, fasciste. Parfois, j’imagine un pick-up 4×4 tourner sur la place de la Concorde, avec Thomas Portes ou le petit Boyard [1] debout à l’arrière, brandir une kalachnikov et le drapeau vert du Hamas. Pendant ce temps, le ratio des morts est funèbre, écrasant, indicible, les décombres et les morts de Gaza. Je me souviens qu’en 2003, les Nations Unies avaient désigné Grozny comme "la ville la plus détruite au monde". Et maintenant ?
Je fais toujours des allers-retours entre "ils ne savent pas ce qu’iels font" [2], et "Agis toujours de telle sorte que l’action que tu entreprends pourrait devenir une loi universelle" ou "Agis toujours de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen".
En décembre au Louvre, j’ai longuement regardé ce tableau de François Marius Granet, L’intérieur de la basilique basse de Saint-François, à Assise. Le cartel me semble être à côté de la plaque lorsqu’il indique :
Par les jeux d’ombre et la perspective centrale, le peintre exalte ici la noblesse d’un haut lieu de pèlerinage, à l’extrémité duquel luit la lumière de l’autel.
Or, ce que je remarque après quelques minutes, c’est que les ombres ne suivent pas toutes le même trajet. Au fond, derrière l’autel, une lumière dorée inonde le tableau par le centre et semble descendre sur nous. Devant l’autel, et donc loin de nous regardant le tableau, les premiers rangs, mais pas seulement, ont une ombre projetée qui suivent cette logique, elles sont projetées dans le sens de la perspective. Mais certains personnages ont une ombre latérale, projetée par le prétexte du transept. Et la première ombre que je remarque est celle du personnage remarquable de cette toile, le pèlerin au chien, qui nous regarde droit dans les yeux. On se croit vraiment, grâce à ce regard, dans l’église, pas seulement en raison du cadre qui correspond à l’architecture du lieu. Ce pèlerin est au coin inférieur gauche d’un carré central formé par les tiers des dimensions du tableau, donc très bien situé à un endroit qu’on ne peut pas rater. Presque en miroir à droite, deux pèlerines sont agenouillées comme celles et ceux des premiers rangs, et bien que placées dans l’axe du transept, leurs ombres suivent aussi la perspective verticale de l’autel. Sur le côté, les personnages les plus évidemment dans le transept ont leurs ombres logiquement latérales, il n’en reste pas moins qu’on voit leurs visages, au moins de profil. Historiquement, je crois que les pauvres étaient plutôt au fond de l’église tandis que les bancs réservés devant étaient dévolus aux riches qui les payaient. Cependant, ici, il y a des pèlerins à genou tout devant. Il faudrait que je continue à écrire, mais le peintre semble nous dire quelque chose de la foi, et de la manière qu’elle a de s’exprimer avec plus ou moins de sincérité. Probablement que "la noblesse du haut lieu" n’a rien à voir avec le sujet profond de ce tableau, qui en cassant la logique des ombres plutôt que de simplement "jouer" avec, nous fait aller plus loin en nous-mêmes. Ce tableau pourrait illustrer La Profession de Foi du Vicaire Savoyard, de Rousseau :
S’il est vrai que le bien soit bien, il doit l’être au fond de nos cœurs comme dans nos œuvres, et le premier prix de la justice est de sentir qu’on la pratique.
Je lis On n’est pas des bourgeois, de Fabienne Swiatly, chez Bruno Doucey. Au café le serveur, celui qui aime parler, ne peut pas s’en empêcher, tique sur le titre. Le mot lui paraît suranné, hors de la réalité.
Page 51 :
Un visage encore empreint d’enfance s’impose sur les écrans. Parle de ça elle va oser enfin. Parler de sa misère d’étudiante. Quatrième année en sciences politiques et un job de serveuse qui empiète sur les cours et les révisions. A chaque rentrée, elle voit le montant de sa bourse diminuer et doit apprendre à vivre avec le strict minimum. Minimum est un mot qui colle durement à son quotidien. Des larmes plein le visage mais le regard droit, elle lance sur les réseaux sociaux : Avec trois cent euros par mois, comment je peux payer ma vie ?
Personne ne sait que j’habite dans ma voiture. Je me suis garée loin de mon quartier pour ne pas être reconnue.
Je n’ai pas repris mon nouveau roman, je dois terminer de chez terminer RRK. Le suivant, code AAA, je pourrais en dire quelque chose ici. Dire dans quel univers les personnages évolueront. D’ailleurs, il y aura des personnages, et des trajectoires. C’est déjà beaucoup de dire ça. Il faudrait que je définisse une unité de temps. Peut-être une année. Une unité de lieu. Ça pourrait être la planète. Une unité d’action — no spoiler ; et d’ailleurs, il faut une intrigue simple apparemment, oui ça peut le faire, un simple fil, très tendu.
Une tige de plastique, métal et ressort tombe de la pédale d’embrayage. Le karma. Cependant, la voiture roule encore. Ça ne servait peut-être à rien.
Le tableau en entier
Ne me demandez pas non plus si les tourments des méchants seront éternels ; je l’ignore encore, et n’ai point la vaine curiosité d’éclaircir des questions inutiles. Que m’importe ce que deviendront les méchants ? Je prends peu d’intérêt à leur sort. Toutefois j’ai peine à croire qu’ils soient condamnés à des tourments sans fin. Si la suprême justice se venge, elle se venge dès cette vie. Vous et vos erreurs, ô nations ! êtes ses ministres. Elle emploie les maux que vous vous faites à punir les crimes qui les ont attirés. C’est dans vos cœurs insatiables, rongés d’envie, d’avarice et d’ambition, qu’au sein de vos fausses prospérités les passions vengeresses punissent vos forfaits. Qu’est-il besoin d’aller chercher l’enfer dans l’autre vie ? il est dès celle-ci dans le cœur des méchants.
— JJ Rousseau, La Profession de Foi du Vicaire Savoyard
[1] Ce qui est ironique c’est que l’élection a lieu en raison d’un salut nazi (y’a pas qu’aux US, nous au village aussi on a), et qu’aujourd’hui un 7e de liste fait se poser des questions...
[2] Notons ici que le site saintebible.com est hébergé en Arizona.