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Plus la force

vendredi 19 mars 2021

18 mars 2021

Je n’ai plus la force de les écouter. Dans une scène où les soignants semblent lui tourner le dos, et le téléphone du standard sonne et il faut bien répondre pendant qu’il baratine, le Président élu répète : "on prendra les décisions qu’on doit prendre par rapport à ça", comme un ordinateur planté, en boucle, avec des erreurs : "sans prendre les vagues qu’on nous annonçait". La bêtise, le mépris, la lâcheté, tout ce qui mène à des détresses respiratoires, psychologiques, et des morts. Et le manque d’organisation et de moyens pour cette "guerre" sans réservistes, à l’école par exemple : des tests salivaires, mais pas dans toutes les écoles ; et aucun poste créé pour endiguer l’épidémie à la cantine, ou pour dédoubler les classes ; les départements, les mairies semblent aussi démunies que l’État qui permet la création d’emplois précaires pour répondre à ses fameux "numéros verts" ou une masse salariale ajustable travaille par contrat de 1 semaine renouvelable 3 fois puis n’est jamais rappelée après la période de carence ; à quoi sert d’être "puissant" ?

Plus la force, de chercher à faire quelque chose quand tout le monde est abattu, à l’école, les parents, les maîtresses, plus rien à faire ; proposer, c’est ajouter à la charge déjà présente, alors on passe à autre chose. Comme un paradoxe, tout ce qui est pris en compte, en priorité, vient d’en haut, de l’éducation nationale, du gouvernement, mais si ça vient d’en bas, des parents, que faire ? Il y a déjà tellement à faire.

Plus la force, quand j’ai vu ce chat siamois mort la gueule en sang sur le trottoir, face au numéro 7, où je sonne, mais non le monsieur, âgé, choqué par la scène, le sang frais, les yeux ouverts, ne connaissait pas ce chat. Une autre dame plus loin le connaissait, mais sans plus. J’appelle la mairie, les "services concernés" vont venir s’en occuper. Sans doute une voiture, peut-être le chauffeur ne s’en est même pas rendu compte. Mais le chat était sur le trottoir, pas de trace de sang, a-t-il pu être déposé là ? Impossible de savoir. Et à quoi bon ?

Plus la force, d’écouter leurs paroles qui tuent la langue, disent le contraire des actes. "On sera toujours à vos côtés" — pour réduire le nombre de lits et provoquer des réformes destinées à faire baisser le coût des soins ; "on prendra les décisions qu’on doit prendre par rapport à ça" — comme par rapport à tout, des décisions de comptables qui ne s’intéressent qu’à réduire les dépenses publiques, augmenter l’espace du marché de la santé. À l’écran du direct, le premier ministre parle et sa voix est en décalage avec l’image, en répercussion du décalage entre les discours et les actes. C’est l’obscurantisme fullscreen.

Plus la force, de comprendre cette façon de trouver une méthode "hybride" cette fois-ci, pour les restrictions. Toujours trouver autre chose, cette façon de ne pas vouloir refaire ce qui a été fait même si ça a marché, pour ne pas agir "mécaniquement", être "agacé" à l’idée de refaire quelque chose, et être toujours dans l’invention de ces "éléments de langage", peut-être parce que ça briserait un des mythes du libéralisme qui est qu’il faut toujours changer, réformer, s’adapter etc. Comme s’il s’agissait d’un concours, comme si la politique pouvait s’user comme un produit ou un service qui fait l’objet d’une "amélioration continue" pour toujours satisfaire le client et avoir une offre dynamique sur le marché.

Plus la force, d’attendre les inévitables campagnes électorales, les injonctions qui vont tomber avec, devoir voter à une élection où de toute façon des racistes, des homophobes, sont légitimes de se présenter, avec la police de l’Etat prête à tout casser au moindre signe de rébellion.

*

Quoi qu’elle fît, Julie Poissonard fleurait toujours le Brie-Coulommiers : elle était crémière. Au grand soleil de juin 1940, sur la route de Bordeaux où le Gouvernement l’avait précédée, un homme qu’elle recueillit dans sa camionnette lui dit : « Tu sens le fromage, ma petite mère. Si t’es pas crémière, moi je suis le pape. » Cet homme portait l’uniforme des zouaves et buvait du vin rouge sans en offrir à personne. Julie Poissonard pensa : « Le monde est mauvais. »

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