Poursuivre les journalistes
dimanche 15 juin 2025
4 juin 2025
Carole Cadwalladr est la journaliste qui a dévoilé le scandale des données Facebook-Cambridge Analytica, sur la campagne qui a mené au Brexit, avec les méthodes qui ont servi pour la primaire des Républicains puis pour l’élection présidentielle américaine. Les deux campagnes ont eu lieu en 2016, 87 millions de comptes Facebook ont vu leur données volées et utilisées sans consentement à des fins d’influence de masse à travers l’algorithme du réseau social.
Carole Cadwalladr a été poursuivie en justice pour deux tweets et une conférence [1], une procédure baillon la visant personnellement, tandis que Mark Zukerberg, après quelques questions devant le Sénat, s’est acquitté via sa société d’une amende de 5 milliards de dollars.
Aujourd’hui, un nouveau nom : Palantir. Société à qui l’état Fédéral confie un grand nombre des données personnelles des Américain·es, en vue de les traiter via une IA. Elle est dirigée par Alex Karp et Peter Thiel, libéraux, voire libertariens (le premier se définit comme "libéral pragmatique"...), technosolutionnistes à tendance autoritaire en tout cas en faveur du contrôle et de l’accumulation sans fin des données. On peut écouter la journaliste anglaise à ce sujet, ici, l’entendre parler du discours manipulatoire sur l’inévitabilité de l’IA, qui permet de pousser encore plus l’exploitation des données.
Le travail de Carole Cadwalladr s’appuyait sur l’expertise d’un mathématicien d’origine belge, Paul-Olivier Dehaye, également militant de la protection des données. Celui-ci avait demandé à Facebook à récupérer l’ensemble des données personnelles que le réseau social avait collectées sur sa personne, de manière à analyser de quelle manière elles pourraient servir dans le cadre de l’influence politique [2]. Dix-huit mois après sa demande, FB lui répond sans répondre qu’il est impossible d’accéder à ces données, qui sont séparées du site web actif, sans relever des défis techniques énormes ("huge technical challenges").
Aujourd’hui, Cambridge Analytica n’existe plus, mais sa philosophie demeure, Palantir [3] en est la preuve vivante, travaillant désormais pour l’espionnage US et l’armée américaine.
[2] Chapitre 17.2 de The Age of Surveillance Capitalism, de Shoshana Zuboff.
[3] Dont le nom vient du Seigneur des Anneaux, de Tolkien, et représente un objet magique : une "pierre de vision".