Refuser ce qui nous obéit

16 février 2025

Sheryl Crow a revendu la voiture électrique de la célèbre marque, ou Svastikar, pour reverser l’argent à NPR, la radio publique, menacée de budget cut par l’administration technofasciste américaine. J’ignore si elle a demandé à Franck Lebœuf combien valait son véhicule d’occasion.

Sous l’administration Biden, rien n’a été fait pour protéger la Constitution, les Institutions ; ni les enfants : plus de 32 000 mineurs non accompagnés ne se sont pas présentés à une convocation de justice, et 291 000 n’ont pas reçu cette convocation. 20Minutes rapporte cette phrase, au sujet de la déportation vers le camp de Guantanamo de plus de 80 personnes sur 538 arrêtées. Un peu comme ici, rien est fait contre (ou tout est fait pour) une prise de pouvoir rapide et radicale de l’extrême-droite.

« L’opération de déportation de masse la plus importante de l’Histoire est en cours », a écrit jeudi soir sur X la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, ajoutant : « promesses tenues ».

L’extrême centre menace d’amener l’extrême droite au pouvoir, ici (macroniste) comme ailleurs.

Je pense à ça, parce que mon cerveau pense toujours au pire possible en toute circonstances.

TF1 raconte aussi comment Bayrou a menti au sujet des prêtres-violeurs du collège catholique. C’est finalement arrivé sur TF1, c’est donc la fin de ce premier ministre, qui jusque là pouvait, semble-t-il, mentir impunément, et recommencer.

Latife Tekin, traduite par Ali Semizoğlu, écrit, dans Contes de la montagne d’ordures :

Le matin, on enveloppa le bébé dans une vieille couverture. Trois hommes prirent le bébé et se rendirent dans un cimetière éloigné. Ils franchirent discrètement le parapet. Là-bas, le bébé laissa doucement glisser la couverture qui l’enveloppait et s’éleva vers les cieux. La mère, derrière lui, s’arracha les cheveux et déchira ses vêtements. Ramassant des pierres dans le pan de sa jupe, elle monta en haut de la colline et lapida le vent en hurlant des injures.

Lola Lafon, dans sa bibliothèque, parle avec Marie Richeux. Elle explique qu’elle préfère lire le journal en entier que le flux d’informations préparé pour elle, elle ne veut pas d’un contenu qui lui obéit. J’ai retenu cette phrase, car, habituellement, je critique l’aspect purement manipulateur de ces algorithmes. Mais c’est vrai qu’ils sont aussi basés sur un mode d’obéissance à l’utilisateurice, et on le voit dans le RER, chacun·e regarde un flux bien différent, en n’en ferait rien autrement. En discutant avec des gens dont les intérêts sont proches, on constate ensuite des similitudes qui reviennent. Il y a les deux aspects qui jouent dans la fabrication de flux, et le principal est de correspondre à nos goûts pour ne pas que l’on chasse la fenêtre hors de notre vue. Une fois que l’utilisateurice est saisi·e dans cette boucle, une information différente peut se glisser de temps à autre, pour suggérer ou influencer. Ce que ne fait pas un journal, dit Lola Lafon, car une rédaction suit sa ligne, ses propres sujets, convictions, sa propre fabrique de pensée, et nous impose ses choix, à nous de réfléchir et de penser avec ou contre. Autrement dit : refuser d’obéir, et refuser ce qui nous obéit.

Pendant ce temps, l’algorithme de Spotify, que j’écoute via un bloqueur de pub à la manière des K7 pirates d’antan, me fait découvrir YHWH Nailgun, un groupe post punk du Queens, encore relativement méconnu (pour donner une idée : leur date à Paris est un tiers-lieu à Bagnolet), mais qui a été récompensé par la bourse "artiste émergent" du concurrent Tidal, et qui est produit par un label indépendant. Très bon choix, pour moi, de la part de Spotify, tout en étant, pour moi, rien de neuf, j’ai été entendu par la machine. Si elle me proposait du Jean-Jacques Goldman, là, je serais surpris.

Les content creators, créateurices de contenus, streamers, savent parfaitement satisfaire leur audience. Créer des vidéos calibrées et face caméra, avoir une phrase d’introduction et de conclusion toujours identiques, personnelles, faire des séries à thèmes, inviter et se faire inviter, réagir de temps en temps, créer un jeu avec participation par commentaires interposés... il y a un guide du parfait streamer, iels savent obéir à leur public. Il y a également leur obéissance, à elleux, à l’algorithme : durée de la vidéo, vignette lisible et codifiée, accroche, etc. Et le mot créateur de contenu est trompeur, il n’y a pas création mais fabrication, service.