Du mouvement
lundi 16 mai 2022
30 avril 2022
Le café grec correspond au souvenir que j’ai du café turc.
*
Au début, j’ai cru Athènes comme Marseille, mais en plus marseillais, la Marseille de Marseille, en somme. Mais je ne connais pas suffisamment l’une et l’autre ville pour tirer conclusion si hâtive, aussi plaisante que soit la formule. Si ça se trouve, c’est Marseille qui est l’Athènes d’Athènes, parce que Marseille m’avait paru plus dense, bruyante et saccadée, déraisonnable, en se rapprochant du port. Ce matin sur la terrasse d’un café face à l’Eglise Saint Panteilemon, c’est calme, ça froufroute de pigeons et de préparatifs de mariage, un prêtre rentre par une petite porte sous le gros escalier de l’église, le soleil chauffe à peine.
Combien de temps faut-il connaître une ville avant de pouvoir la décrire depuis la bonne place ? En venant, j’étais passé devant le marchand d’oiseaux, une petite boutique d’où il sort, chaque matin, les cages des serins et des perruches. Ils sifflent et répondent à ceux, achetés par le passé sans doute dans cette même boutique, peuplant quelques balcons dans la même rue.
J’efface ici tout ce qui concerne la migraine, elle disparaît petit à petit, mais la douleur à l’épaule persiste. Je répète les exercices prescrits par mon kiné (mot grec, Kínisi, Κίνηση : Mouvement).
*
Et puis ce serait ça, être ici, sentir sous mes pas les pierres où les sandales d’Aristote ont glissé, lire La République de Platon et Des Îles de Marie Cosnay, mettre les pieds dans l’eau au milieu des touristes au torse épilé nu ou à la culotte ultra-échancrée, sous les nuages de pollution, et ne rien plaquer d’avance, ne rien s’attendre à penser, simplement décrire brutalement et laisser venir ce que le crayon ou le clavier fait venir dans ces moments où le cerveau glisse sur les mots, nage dans les concepts et s’étouffe de ses biais. Ne pas imaginer, ouvrir les yeux et, encore mieux, écrire.
*
La relève lente et glissée des deux gardes en costume face au palais présidentiel, place Syntagma, étirements de danseurs et synchronisation des semelles à pompon et crampons d’acier, sous le regard amusé des policiers derrière le mur du palais, gardes réels en vêtements traditionnels du 21é siècle et talkie walkie accroché au revers, la main sur la crosse. D’autres policiers, en faction détendue dans le panier à salade tout proche, scrollent leur smartphone.