Relire écrire
vendredi 13 septembre 2024
6 août 2024
Pas beaucoup de temps, mais quand je peux, je prends quelques pages, 1942, je relis, corrige, trouve des coquilles. J’essaie de huiler certains passages, entre le passé et l’ici et maintenant, comment aller et venir que ça soit fluide, que ça ne sorte pas du texte. Il faut peut-être essayer autre chose, au contraire, car je n’y arrive pas, au début surtout, je crois qu’il faut bien sortir la tête de l’eau fictionnelle décrivant des réalités, bien se reprendre au réel d’ici pour repartir dans le réel d’avant qui est raconté avec des outils de narration, de fiction. Donc, mettre des balises, avertir, plutôt couper l’élan, au contraire, comme véritable éthique de ce texte, et quand ensuite il y aura de la fluidité, ce sera en toute connaissance de cause si le lecteur, la lectrice veut se perdre en oubliant la réalité, j’aurais prévenu. Quelque chose comme ça, comme des avertissements qui s’évanouissent.
Paul Veyne :
L’histoire est une cité que l’on visite pour le seul plaisir de voir les affaires humaines dans leur diversité et leur naturel, sans chercher quelque autre intérêt ou quelque beauté […] on ne visite de cette cité que ce qui est encore visible, les traces qui en subsistent.
Le mot « plaisir », ici, n’a pas tout à fait sa place, il y a des affaires humaines qu’on préférerait ne pas voir. Il y a l’excitation des recherches, la satisfaction d’établir un fait, d’écrire un paragraphe, un chapitre. Mais je me suis rendu compte qu’écrire cette histoire, ces histoires, était terrible, ce n’était pas des histoires, c’était vrai, et tragique. Mon corps, au cours de l’écriture, a encaissé et a réagi, je ne m’y attendais pas ; à tomber malade et que ce soit en lien avec le texte, avec ce que je devais écrire, ce qui leur était arrivé, dans leur chair à elles et eux. Parce que j’écrivais sur des morts, leurs fantômes venaient se rappeler à moi, qu’ils avaient été vivants et que je ferais bien de prendre garde à ce que j’écrivais. Des vies, pas des histoires. C’est aussi ça, cette nécessité de m’inviter entre ces fragments d’histoire-fiction, rappeler qu’on écrit quelque chose ici, on ne le vit pas, on ne le “visite” pas.
Je publie ça quand, sur la page d’accueil de mon site, s’affiche deux textes anciens, dont l’un de 2021, où je me demande naïvement, relisant les six premiers chapitres : "Mais si l’argent du CNL ne tombe pas ? Comment écrire ?".
*
Je suis un bateau suisse réglé comme une horreur, j’arrive jusqu’à la trace, arrache ce qui respire.