Norvège, 11
samedi 9 août 2025
Ici, le Troll Museum n’est pas une anthologie de tweets toxiques.
Cette pierre a été taillée et posée voilà 8 siècles. Elle n’a pas bougé depuis. Certains projets, peu nombreux, tiennent le long terme.
À 643 mètres d’altitude, on voit l’horizon à 90 km.
En France, il y a des interdictions, des barrières, des indications. Ici, rien, tout est À vos risques et périls. C’est la responsabilité individuelle qui est engagée, de traverser la chaussée au rouge quand il n’y a personne, jusqu’à la randonnée sur un chemin sans balise, sans relai 4 g, fait de pierres glissantes, ou jusqu’à la plage située sur la route des bateaux, secouée des vagues des paquebots, sans balises jaunes flottantes. On fait appel à la conscience du danger plutôt que d’interdire par prévention.
Une autre façon de le dire, est que des gens ont eut la force de venir s’installer dans le Nord, il y a longtemps, pour repousser le coucher du soleil l’été, et son lever l’hiver, et leur réussite est encore visible aujourd’hui, des milliers d’années plus tard. Et encore, je n’ai pas été très au nord dans ce pays. 60.739214 est la latitude la plus haute où je sois allé. C’était dans le train, entre Geilo et Bergen, dans le virage quelques minutes avant qu’il ne s’arrête à Myrdal. Il y a Trondheim à plus de 63°, Hammerfest encore plus haut. Il y a une fascination à se dire : Je peux aller un mètre de plus que le plus au nord que j’ai jamais été. Ça aurait été le problème, pour moi, de marcher dans la lande et de me dire à chaque pas que c’est le plus haut que je sois allé. Au moment de faire demi-tour, j’aurais voulu faire juste un pas de plus. Et puis, allez, encore dix mètres. Et pourquoi un pas encore ? Et je ne serais jamais revenu. Toute la scène dans un de ces lents couchers du soleil, doucement, doucement.
Là-haut, il y a des endroits où, en ce moment, le soleil ne se couche pas. Drôle de rêve pour un insomniaque.
Les mouettes parlent peu, sont économes de leurs cris. Dans le centre touristique, il y en a peu, isolées, éparpillées, on peut manger tranquillement. Si l’une d’entre elle vous surprend un sandwich à la main, elle criera en vain, seule, incapable de rameuter suffisamment d’alliées pour vous le voler. Alors elle prendra une mine triste, un cri plaintif, marchera ou nagera comme un canard pour vous manipuler et obtenir une miette. En revanche, le quartier de la gare, gare de marchandises, et plus loin dans les quartiers non touristiques, dans la périphérie, c’est autre chose. Le tissu mouettiste est très resserré, bien organisé, une sentinelle perchée sur un lampadaire repère votre kanelsnurr et aussitôt, il lui suffit d’un ou deux cris aigus et toute une armée se précipite, il vous faut immédiatement cacher la nourriture et fuir l’encerclement en courant autour du lac.